Appuyer sur la touche "Pause". Ne plus regarder les alertes infos sur son téléphone. Se déconnecter. Le pont dans une ville désertée. "Ils sont tous partis, normal avec ce beau temps, et après on dit que c'est la crise", soupire un chauffeur de taxi. "Vous voulez un bonbon? J'ai des bonbons si vous voulez." Pour lutter contre les Uber, les taxis veulent absolument nous gaver de bonbons. Il dégaine sa bouteille de Cristaline : "Et de l'eau? Vous ne voulez pas de l'eau?"
"On est bien au soleil quand même"
Se vautrer dans l'herbe du bois de Boulogne et imaginer qu'on est à la campagne. Étaler une crème accélératrice de bronzage sur nos jambes trop blanches. "Ça marche très bien", a promis la pharmacienne, mais pour l'instant nos mollets sont zébrés orange et beige.
"On est bien au soleil quand même", on répète ça. Oublier les pots d'échappement et ce gros nuage gris qui stagne sur Paris dès qu'il fait un peu trop chaud. Les yeux mi-clos, regarder les gens qui courent. Est-ce qu'ils courent parce qu'ils sont gros? Ou est-ce qu'ils ne sont pas gros parce qu'ils courent? Ouvrir mollement un bouquin et le refermer. Un ballon de foot atterrit sur notre dos. On marmonne "ça n'est pas grave" en lançant un regard noir aux gamins.
"Si vous voulez déjeuner, revenez vers 15h30"
Pont au bord de la mer. Attendre très longtemps pour trouver une place en terrasse. "Si vous voulez déjeuner, revenez vers 15h30, on a des tables qui vont se libérer." Les heureux attablés, indifférents à la queue qui s'allonge, commandent un autre café comme pour nous narguer. J'y suis, j'y reste ; le syndrome Hollande. Le patron a l'air satisfait de celui qui sait qu'il fera un bon chiffre. La serveuse, un peu échevelée, court partout, joviale et fatiguée. On a tellement faim qu'on renonce à la terrasse.
On atterrit au fond d'une pizzeria qui sent la frite. "Dépêchez-vous de commander, les cuisines vont fermer." On mange une crêpe au fromage pas assez cuite qui a un goût de lasagne avec une salade en plastique noyée sous une sauce toute faite. Pour faire passer le goût, on prend un café gourmand, mousse au chocolat fatiguée, chou à la crème avachi, crème brûlée cramée, madeleine pâteuse, café âcre et tiède. L'addition est exorbitante pour avoir si mal mangé. On ne dit rien, il fait beau, c'est le pont.
"C'était bien, ton pont?"
Embouteillages de piétons sur le front de mer. "Dire que c'est le seul vrai pont du mois de mai. Un 8-Mai qui ne tombe pas un mardi, c'est du gâchis." Regarder les gens. Les couples usés qui n'ont plus rien à se dire. Les enfants qui sautillent. Un groupe d'amis qui rigolent un peu trop fort. Des ados qui traînent leur moue désabusée et sortent de leur torpeur pour se photographier. "C'est pour que les autres voient où qu'on est." Saint Bescherelle, priez pour eux.
Les interminables bouchons du dimanche soir. Lundi, on nous demandera : "C'était bien, ton pont?" Éviter de lancer à la tête de ceux qui ne sont pas partis : – "On a eu un temps ma-gni-fique, et toi?" – "Moi? Je suis restée à Paris mais on s'est bien reposés, c'était très sympa et je t'emmerde."
Lundi, tout recommencera. 49-3 ou pas 49-3? La loi travail va-t-elle passer? C'est quand, déjà, le prochain pont?
Source: JDD papier
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