Chronique

Les cachotteries des télécoms

J’en ai ras le pompon des cachotteries des fournisseurs de télécom. J’en ai assez de leurs publicités qui ne donnent pas l’heure juste. À cause de leurs stratégies, la clientèle est toujours obligée de mettre le poing sur la table pour être certaine d’avoir le meilleur prix.

Un récent mémo destiné aux employés de Fido en fait la triste démonstration. Le fournisseur de téléphonie mobile y mentionne que Koodo et Virgin viennent de lancer des forfaits plus concurrentiels que les siens. Pas question de rester les bras croisés ! Fido réplique donc avec une offre similaire pour ses clients québécois, explique le document interne dont j’ai obtenu copie.

Or, ces prix avantageux ne sont offerts que par les centres d’appel et les préposés en magasin. Les clients ne verront pas ces forfaits plus avantageux affichés sur Fido.ca. Les publicités de Fido n’en parleront pas non plus. Motus et bouche cousue.

Le mémo insiste sur le fait que les employés ne doivent jamais offrir ces nouveaux forfaits de manière proactive. La marche à suivre est la suivante : 

1- Présentez d’abord les prix normaux.

2- Si le client est hésitant ou s’il dit qu’il a reçu un prix plus bas chez Koodo ou Virgin, alors présentez-lui la tarification plus concurrentielle.

Bref, c’est une tarification à deux vitesses. Une grille plus élevée pour les clients qui ne se plaignent pas. Une grille « fantôme » plus avantageuse pour les clients qui se donnent la peine de magasiner, de négocier, de menacer de quitter l’entreprise.

Fido a beau me dire que cette mesure était temporaire, je trouve cette pratique plutôt enrageante pour les clients fidèles qui ne disent jamais un mot plus haut que l’autre.

Remarquez, Fido n’est pas le seul à agir ainsi. Il s’agit d’une pratique courante dans le commerce de détail et plus particulièrement dans les télécoms.

Souvenez-vous qu’en mars dernier, Bell a formellement ordonné à ses employés de ne pas faire la promotion des nouveaux forfaits de télévision à prix modiques imposés par le CRTC, selon un document interne obtenu par CBC.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a d’ailleurs reçu des centaines de plaintes depuis le lancement de ces forfaits à 25 $ par mois maximum.

Il faut dire que plusieurs fournisseurs ont tout fait pour rendre cette option désavantageuse. Par exemple, Bell, qui offrait déjà un forfait à 40 $ tout inclus, a ajouté des frais de 15 $ par mois au forfait du CRTC… le ramenant au même prix que l’autre forfait qui comptait beaucoup plus de chaînes, raconte Philippe Viel, porte-parole de l’Union des consommateurs. Un beau pied de nez au CRTC qui aurait dû être plus précis pour éviter ce genre de dérives.

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Les rabais temporaires sont une autre tactique qui se répand comme de la mauvaise herbe dans les télécoms.

Vous recevez une publicité de Bell : en gros caractère, on annonce un tarif de 79,85 $ par mois pour la télé, le téléphone et l’internet. Mais attention : ce tarif s’applique seulement aux trois premiers mois. En lisant les petits caractères, vous réaliserez que le prix courant est pratiquement deux fois plus élevé (153,85 $).

Le pire, c’est que le prix courant est sujet à changement. Autrement dit, après trois mois, Bell peut augmenter le prix comme bon lui semble. Une fois que vous aurez fait le saut, il fait le pari que vous n’aurez pas le goût de déménager tout de suite. Il mise sur l’inertie de la clientèle.

Même scénario sur le site web de Vidéotron qui met l’accent sur un trio de services à 79,95 $ par mois. Si vous avez de bons yeux, vous verrez que le tarif grimpe à 123,99 $ à partir du 4e mois, puis à 138,88 $ à partir du 24mois. Trois prix différents !

Comment voulez-vous que les consommateurs parviennent à comparer les prix des différents fournisseurs ? Mission impossible !

En 2010, Québec a bien tenté d’assainir les pratiques d’affichage des commerçants en interdisant les frais cachés dans les notes de page. Désormais, ils sont obligés de publier des prix tous inclus. Mais avec les rabais temporaires, les fournisseurs de télécom ont trouvé une autre tactique pour empêcher les consommateurs de bien magasiner.

Alors que faire pour être certain d’en avoir pour son argent ?

1- Faites un prémagasinage à l’aide d’un comparateur sur l’internet. Mais sachez que l’information reflète les prix affichés sur les sites internet des fournisseurs. Il ne s’agit donc pas de prix négociés. Voici quelques outils : 

2- Sélectionnez les fournisseurs qui se rapprochent le plus de vos besoins. Téléphonez à chacun d’eux pour savoir s’ils ont une offre spéciale pour vous. Refaites l’exercice régulièrement, surtout si votre facture a grimpé.

3- Prenez des notes, enregistrez la conversation ou archivez votre clavardage avec le fournisseur. Les clients se plaignent de plus en plus que leur fournisseur ne les a pas avertis de tous les frais (ex. : frais de dépassement d’utilisation), met en garde M. Viel.

4- En cas de mésentente avec votre fournisseur, plaignez-vous au Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications (CPRST).

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