Par stéphane durand
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Un cueilleur de champignons a senti du plomb voler au-dessus de lui… Il était dans un bois privé, près de Saintes.

L’automne touche bientôt à sa fin. Avec l’hiver qui arrive, c’est la période des champignons qui se termine. Et cette année, elle a été florissante. Les coins à cèpes ont été pris d’assaut par les amateurs. Comme David Ploquin, 32 ans, qui en a ramené environ 10 kilos lors de sa dernière sortie, dans un bois de Saint-Vaize, petit village de Charente-Maritime situé entre Saintes et Saint-Savinien. Mais malgré cette bonne récolte, l’intéressé ne retournera plus dans ce bois miraculeux.

« J’étais en lisière, avec ma femme et mes deux enfants, lorsque j’ai entendu deux coups de feu dans notre direction. Les feuilles au-dessus de nos têtes ont volé. Je pense que c’est quelqu’un qui a tiré d’une voiture pour nous faire peur », raconte-t-il. L’émotion passée, il décide de prendre rendez-vous avec le maire pour l’informer du problème.

« Je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul à avoir eu des soucis. Il y a eu des pneus crevés et d’autres histoires » , assure-t-il. S’il ne sait pas formellement qui a tiré ces coups de feu, il a une petite idée. « D’accord, j’étais dans un bois privé. Je n’ai pas vu le panneau. Mais il y a des façons de faire. Lorsqu’on se fait tirer dessus, ça fait drôle. Mes deux fils ont eu très peur », insiste David Ploquin.

« Un seuil de tolérance »

Cet habitant de Saint-Vaize, qui travaille à la déchetterie du coin, aimerait bien connaître la motivation du tireur. « Je ne sais pas si c’est parce qu’on ramassait des champignons ou si c’est parce qu’on dérangeait d’éventuels gibiers pour la chasse… »

La cohabitation entre cueilleurs, propriétaires de bois et chasseurs serait-elle compliquée ? Pour Jean-Michel Dapvril, le directeur de la Fédération de chasse de Charente-Maritime, « la cohabitation est possible entre chasseurs et non chasseurs, y compris en matière de cueillette de champignons, pour peu que de part et d’autre, il y ait un peu d’esprit d’ouverture ».

Emmanuel Benoît du Rey, le président du Syndicat des forestiers privés du département, n’est pas non plus alarmiste. « La politique que je préconise lorsque je fais des réunions est celle-ci : si des gens viennent ramasser un petit panier de champignons dans nos bois, il faut leur faire comprendre que c’est une propriété privée, mais être conciliant. En revanche, si ce sont des grosses quantités qui sont ramassées, souvent pour être revendues, il faut appeler les flics. Il existe un certain seuil de tolérance », souligne-t-il.

Cette pratique, avec un prix des cèpes qui peut monter jusqu’à 30 euros le kilo, est tentante. Emmanuel Benoît du Rey avoue avoir appelé deux fois la gendarmerie pour des comportements excessifs. « Pour le reste, je suis beaucoup plus cool… » Quant à la possibilité de clôturer des bois, le président du syndicat balaie l’idée d’un revers de manche. « Nous n’allons pas clôturer uniquement pour sauvegarder nos trois champignons. »

Que dit la loi ? « Les champignons sauvages appartiennent de plein droit au propriétaire du sol. Et ce dernier n’est pas obligé de clôturer son terrain ou d’en interdire l’accès par voie d’affiches ou d’autres moyens. » Leur cueillette n’est donc tolérée, dans ces conditions, que lorsqu’on a demandé l’autorisation au propriétaire de respecter les lieux et ramasser avec parcimonie.

Une amende de 750 euros

« Très bien, mais à Saint-Vaize, par exemple, on ne peut donc plus aller nulle part », fait remarquer David Ploquin. En Charente-Maritime, le domaine forestier fait environ 103 000 hectares « dont 15 000 hectares sont du domaine public », indique un agent de l’Office national des forêts (ONF). Mais là aussi, la cueillette est réglementée.

Pour rappel, et d’après l’article R163-5 du code forestier, une récolte de champignons en infraction inférieure à 10 litres est passible d’une amende maximale de 750 euros. Une récolte supérieure peut être sanctionnée jusqu’à 45 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.

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Le cueilleur de champignons de Saint-Vaize, lui, reconnaît avoir déjà prospecté d’autres lieux, du côté de la commune du Douhet. « Pour nous, la cueillette est l’occasion d’une sortie familiale le dimanche. Ce n’est pas pour se prendre un coup de fusil. Ce n’est franchement pas le but », prévient-il. Pour des cèpes, si fameux soient-ils, ce serait effectivement bête…