L’amélioration du taux d’emploi des seniors en France et l’assouplissement des contrats de génération pour les très petites entreprises (TPE) ne doivent pas cacher que rien n’a véritablement changé en matière de gestion des seniors dans les entreprises.
Le taux d’emploi des 55-64 ans est en passe d’atteindre 50 %. Cet objectif fixé en 1990 par l’Union européenne est sur le point d’être atteint… vingt-cinq ans plus tard ! Qu’est-ce qui explique cette bonne nouvelle ? Essentiellement le report de l’âge de la retraite à 62 ans.
Après la fin des préretraites FNE (Fonds national pour l’emploi) en 2003, la prolongation de la durée d’activité puis le report à 62 ans de l’âge de retraite, les salariés ont fini par se convaincre qu’ils devaient « tenir » plus longtemps au travail. Les plus de 50 ans ayant droit à un maximum de trente-six mois de chômage, ils peuvent faire la soudure avec la retraite à 62 ans en négociant, par exemple, une rupture conventionnelle à 59 ans…
De leur côté, les entreprises commencent à intégrer dans leur gestion des fins de carrière, ce que les économistes appellent l’effet d’horizon. Quand leurs salariés quittaient l’entreprise dès 56-57 ans, elles n’investissaient plus sur eux, en termes de formation à partir de 50 ans. Dès lors qu’elles savent qu’ils resteront une dizaine d’années au travail passé 50 ans, elles doivent réfléchir à la manière d’améliorer les fins de carrière et les parcours de leurs seniors.
En la matière, les choses changent, mais lentement : rares sont les entreprises à proposer des mobilités et une mise à niveau systématique de leurs compétences aux salariés de plus de 50 ans. Le résultat de cet attentisme est catastrophique pour les seniors, dont le taux de chômage ne fait que monter.
A l’époque des préretraites faciles, les seniors sortaient des statistiques de l’emploi ; aujourd’hui qu’ils s’accrochent à l’emploi, faute de mieux, les voilà de plus en plus nombreux dans les statistiques des demandeurs d’emploi. Il est vraiment temps de faire du maintien des seniors au travail une grande cause nationale !
Assouplissement du contrat de génération
Le gouvernement semble en avoir pris conscience. Il vient d’annoncer un nouvel assouplissement du contrat de génération. Conçus en 2012 essentiellement pour les TPE, ces contrats ont eu beaucoup de mal à décoller. De fait, en ciblant les jeunes au moyen d’un contrat jugé trop contraignant pour les entreprises, le gouvernement ne rend pas attractive une mesure qui aurait dû également profiter aux seniors et qui de fait les dessert… Cette mesure, qui ciblait les entreprises de 50 à 300 salariés, aurait dû être simple et facile à mettre en œuvre. A l’usage, elle s’est révélée complexe et lourde pour les TPE.
On comprend mieux pourquoi le gouvernement souhaite rendre les contrats de génération plus attractifs. Le décret du 3 mars facilite l’accès des TPE au contrat de génération de trois manières. Le bénéfice de l’aide financière est élargi aux recrutements effectués dans le cadre du contrat à durée indéterminée d’apprentissage ; des formalités administratives sont supprimées comme celle obligeant les entreprises de 50 à 300 salariés de transmettre aux Direccte – les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – un diagnostic sur l’emploi des salariés âgés ; enfin, un accord tacite sur la conformité des accords est instauré faute de réponse administrative dans un délai de trois ou six semaines.
Ces allégements sont bienvenus, mais insuffisants. Trois ans après son lancement, le contrat de génération a manqué sa cible : les TPE. En liant l’embauche des jeunes au maintien en activité des seniors, il a créé une certaine confusion sur l’objectif poursuivi. Et finalement, il dessert les deux catégories les plus frappées par le chômage.
Rodolphe Delacroix (Consultant chez Towers Watson)
Rodolphe Delacroix est l’auteur de Si Senior ! Travailler en entreprise plus longtemps, c’est possible (Lignes de repères, 2012).
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