Année après année, les colloques de l’industrie culturelle se succèdent. « Comment sauver le marché de la culture ? », se demandent en chœur les participants. Comment préserver le modèle français unique, qui a permis l’émergence d’une exception culturelle enviée de tous à l’étranger ? Comment éviter de sombrer dans l’appauvrissement culturel encouragé par le modèle libéral anglo-saxon et précipité par l’avènement du numérique ?
Parallèlement, les chiffres le démontrent, jamais la création artistique et culturelle n’a été aussi dynamique ; les sources d’inspiration aussi diverses ; les interactions entre les différentes formes d’art aussi foisonnantes ; les liens entre artistes et public aussi riches.
Oui, « la culture » vit actuellement une crise économique forte. Oui, l’ensemble des intermédiaires industriels du secteur subissent de plein fouet une remise en question de leurs modèles. Mais ce serait une erreur de résumer la culture à une industrie ou à un marché. Rappelons-le : la culture est un besoin essentiel de l’humanité avant d’être un secteur économique pourvoyeur d’emplois ou de points de produit intérieur brut ! Sans opposer ces deux dimensions, il convient sans doute de les hiérarchiser. De remettre l’économie au service du rayonnement culturel. Et non le contraire.
Nous vivons ce qu’il est juste d’appeler la révolution numérique. Révolution, car elle impacte de façon majeure tous les secteurs et tous les pans de notre société. Révolution, car elle donne le pouvoir au citoyen, au spectateur, à l’utilisateur, au consommateur. A l’heure où cette révolution rebat les cartes de l’industrie culturelle, le moment est venu de saisir cette opportunité pour redynamiser ce ciment fondamental de notre vivre-ensemble qu’est la culture, sa création, sa diffusion, son accès.
Oui, l’exception culturelle française coïncide avec une richesse de création et une forte exigence du public, sans doute spécifiques à notre pays. Mais résumer l’origine de cette richesse à un modèle économique est réducteur. Interdire toute remise en question de l’intermédiation à l’ère numérique en présageant qu’elle entraînerait un effondrement inévitable de la création culturelle se résume à un conservatisme incompatible avec toute possibilité d’innovation. Or l’innovation est considérée comme essentielle à la création culturelle depuis la fin de la querelle entre les Anciens et les Modernes commencée – tiens, tiens –, en Italie à la Renaissance, et poursuivie entre la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle. Querelle qui opposait les Anciens, tenants d’un art immuable puisant dans l’Antiquité ses modèles et inspirations garants de la perfection artistique, et les Modernes, qui militaient pour l’innovation et l’émergence de nouveaux genres, sources de créativité.
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