Mort de l'écrivain Michael Herr, scénariste de “Full Metal Jacket” et narrateur d'“Apocalypse Now”

L'auteur, célèbre pour ses récits sur la guerre du Vietnam, dont il a été le témoin en tant que correspondant de presse, est décédé le 23 juin 2016. Il avait 76 ans.

Par Caroline Besse

Publié le 27 juin 2016 à 17h55

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h49

L'écrivain Michael Herr, l'un des plus grands témoins de la guerre du Vietnam, est décédé le 23 juin dans un hôpital du comté de Delaware dans l'Etat de New York, à l'âge de 76 ans. 

C'est pour le magazine Esquire qu'il assista pendant un an à la cruauté et la déshumanisation du conflit au Vietman. Il avait lui-même convaincu Harold Hayes, le rédacteur en chef du titre, de l'envoyer sur le front, pour une série d'articles en immersion dans la fureur et le sang. Dix ans après son retour, et après une brutale dépression due à l'horreur de ce qu'il avait vu, il écrit Dispatches, son œuvre majeure, sortie en 1977 aux Etats-Unis et en France trois ans après, sous le titre Putain de mort. Un livre aujourd'hui considéré comme culte, dans lequel il raconte la folie meutrière qui se jouait au Vietnam, sur fond de drogues, de rock'n'roll et de massacre d'une génération. Malgré un récit en partie fictionnel, sa sincérité fut saluée par les critiques et le public. Qui découvraient frontalement les expériences traumatiques vécues par les soldats américains. 

Outre Dispatches, Michael Herr a participé à deux grands films sur la guerre du Vietnam : il est la voix off de l'époustouflante fresque de Francis Ford Coppola, Apocalypse Now (1979) – librement adaptée de la nouvelle de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres – et a co-écrit le scénario de Full Metal Jacket (1987), de Stanley Kubrick, adapation conjointe du roman Le Merdier (The Short Timers) de Gustav Hasford, qui fut, comme lui, correspondant de presse pendant la guerre du Vietnam. 

Michael Herr fut ainsi le précieux témoin des atrocités commises. Cité par le New York Times, il écrivait : « Vous pouviez être dans l'un des endroits les plus sécurisés du Vietnam, vous gardiez toujours à l'esprit que cette sécurité était provisoire. La mort précoce, l'aveuglement, la perte des jambes, des bras ou des couilles, des défigurements majeurs et irréversibles –  ou toutes sortes de malheurs – pouvaient surgir par le plus grand et terrifiant hasard. On entendait tant de ces histoires qu'on se disait que toute personne vivante finirait par mourir dans des combats ou des attaques au mortier. » 

Après ces travaux – probablement aussi expiatoires – Michael Herr a travaillé une nouvelle fois avec Coppola sur le film L'Idéaliste, réalisé en 1997. Cette fois, point de guerre, mais le redoutable monde des assurances auquel va être confronté un ambitieux, mais désargenté, jeune avocat. Il a aussi participé à l'ouvrage Las Vegas, The Big Room, livre regroupant une série de portraits de personnalités, réalisés par Guy Peellaert, toutes associées à la ville de Las Vegas (comme Roosevelt, Marilyn Monroe, Howard Hugues ou l'acteur, journaliste et orateur Walter Winchell). Il écrira d'ailleurs un livre sur ce dernier : Walter Winchell : A Novel, publié en 1990.  

Dans une interview publiée après l'annonce du décès de Michael Herr, Graydon Carter, rédacteur en chef de l'édition américaine de Vanity Fair, le qualifie de « correspondant de guerre d'entre tous les correspondants de guerre », et salue « le prodige et l'efficacité » de deux articles qu'il a écrits sur Kubrick pour le magazine. Michael Herr est aussi l'auteur d'un livre sur le réalisateur, publié en 2000. Sa disparition est aussi celle de la mémoire d'une sale guerre. 

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