Machisme : ces lieux interdits aux femmes

FAIT DU JOUR. Elles veulent être partout chez elles. Exclues de lieux confisqués par les hommes - des cafés, par exemple -, des femmes réagissent. Comme à Villiers-le-Bel.

    Commander un café au comptoir. Grimper dans un bus en jupe un peu courte. Participer aux fêtes estivales d'une ville tard dans la nuit sans passer pour une proie facile et puis oser rentrer chez soi seule. Trois fois rien pour vous, messieurs ? Pour nombre de femmes, et pas seulement lorsqu'elles vivent dans un quartier estampillé difficile ou en proie à un repli communautaire, c'est un souci quotidien. Un souci trop souvent soldé par un renoncement implicitement accepté de tous. Mais plus de toutes.

    On est loin des défilés militants démonstratifs des féministes il y a soixante ans. Mais, en ce début de XXIe siècle, et c'est une vague qui ne grossit pas qu'en France, les femmes partent à la conquête de ces territoires où, dans la vie de tous les jours, l'égalité leur est de fait refusée. Ni harpies ni guerrières, à l'image de ces habitantes de Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), en banlieue parisienne, qui ont investi pacifiquement un café hier soir, elles montent en douceur au créneau se réapproprier des espaces confisqués par les hommes.

    « Pas question de lutte : il faut que l'on parvienne à un territoire partagé agréable pour tous»

    Pourquoi un café ? « Les cafés ne posent pas problème en soi. Ils sont juste l'élément le plus visible de l'occupation masculine de l'espace public », souligne Chris Blache, coordinatrice de Genre et ville, très impliquée dans cette prise de conscience. « C'est un problème social global. L'espace urbain est un territoire pensé par et pour les hommes », confirme le géographe Yves Raibaud (lire ci-dessous). Insidieusement imprégnées de cet état de fait dès le plus jeune âge, « éduquées à éviter le risque contrairement à leurs pairs masculins », renchérit Chris Blache, les femmes y ont droit de passage, mais pas de jouissance égale.

    « Pas question de lutte : il faut que l'on parvienne à un territoire partagé agréable pour tous. Où moi, homme, je puisse aussi me dire, lorsque je marche derrière une femme et qu'il se fait tard, qu'elle ne me craindra pas comme un prédateur », réagit Yves Raibaud. Y parvenir est un travail de longue haleine.

    Pour secouer le cocotier, du bas de l'échelle citoyenne aux hautes sphères du pouvoir, en passant par chaque collectivité locale, il faut d'abord prendre la mesure de cette inégale citoyenneté, identifier les failles sur le terrain, puis forcer à repenser les aménagements, petits et grands. Les femmes s'y emploient.

    Reconquête de l'espace public, mode d'emploi