Raed Salah rit. Il est serein. Il n’a plus de bureaux, condamnés par la police. Dans quelques jours, le cheikh sera en prison. Une habitude. Il va purger une peine de onze mois pour « incitation à la violence contre les juifs ». Mais en ce samedi 28 novembre, il est l’homme qu’on applaudit, celui qui rassemble des milliers de personnes dans les rues d’Umm Al-Fahm, la ville arabe du centre d’Israël dont il fut le maire. Cette manifestation était organisée par le haut-comité de suivi pour les citoyens arabes en Israël. Son objectif : afficher un front commun au sein de la communauté (20 % de la population israélienne) contre l’interdiction de la branche nord du Mouvement islamique (MI), que dirige le cheikh Raed Salah.
Le gouvernement israélien a annoncé cette décision controversée trois jours après les attentats de Paris du 13 novembre, en s’appuyant sur une loi d’urgence de 1945 remontant au mandat britannique. Il affirme que le MI est une organisation « séparatiste et raciste », « sœur du Hamas » et « membre des Frères musulmans ». Depuis des années, les services de sécurité s’opposaient à cette interdiction, faute de preuves d’une activité illégale et par crainte des répercussions. Mais cet automne, Benyamin Nétanyahou et la droite radicale n’ont cessé d’accuser le MI d’incitations à la violence et à la haine, en raison de sa défense de la mosquée Al-Aqsa, présentée comme menacée par les juifs nationalistes religieux. La vague de violences palestiniennes depuis deux mois a emporté les dernières réserves.
« Nétanyahou essaie de faire croire que le Mouvement, c’est comme l’Etat islamique », résume Jafar Farah, directeur de l’ONG Mossawa
« C’est l’extrême droite et les colons qui ont fait pression pour notre interdiction, explique au Monde Raed Salah, car ils voient que le MI empêche la judaïsation de Jérusalem. On est sur le chemin de leur rêve. » Mais le leader islamique élargit le problème. « Ce qui nous arrive peut concerner d’autres forces arabes, y compris ceux qui ont des députés à la Knesset [Parlement]. » Cette lecture est partagée par les élus présents samedi. Parmi les milliers de personnes défilant dans les rues escarpées d’Umm Al-Fahm, il y a des hommes de tous âges, des enfants aussi. Les femmes restent sur le bas-côté ou à l’arrière, mains sur les poussettes ou filmant à l’aide d’un portable. Des centaines de tee-shirts blancs portant l’inscription « Nous sommes plus forts que votre interdiction » ont été distribués. Le slogan repris avec le plus de ferveur concerne la défense d’Al-Aqsa.
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