Facebook n’est déjà plus un réseau social

Rédigé par Régis Chatellier

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26 avril 2016


Quand les salariés de Facebook s'inquiètent d'une baisse du partage de données personnelles par leurs utilisateurs, d'autres n'y voient qu'un signe de la mutation de ce qui n'est déjà plus un réseau social.

Dans le Guardian, la chercheuse Anna-Lauren Hoffmann relate la relative inquiétude de Facebook quant à la baisse du partage de données personnelles par ses utilisateurs. Les salariés de la firme de Palo Alto invoquent la théorie des "collapsed contexts", développée dans les années 80 avant d'être adaptée aux réseaux sociaux par danah boyd. La sociologue y décrit nos vies en lignes, sur Facebook ou Twitter, comme des espaces où nos différents réseaux sociaux physiques sont centralisés en un même lieu, où des informations partagées avec des groupes d'amis sont vues par la famille, des collègues de bureau, voire des inconnus, au risque de causer des désagréments. Anna-Lauren Hoffmann considère le réseau lui-même comme un "context", privilégiant les intérêts des entreprises, des célébrités et des marques au détriment de la protection de leur vie privée.

La confiance a vécu

Partant du même constat, Will Oremus, sur Slate, note qu'avec l'allongement de notre "liste d'amis" et des paramètres de confidentialité "obscurs et d'usage fastidieux", nous savons tous depuis longtemps qu'une info partagée avec nos contact Facebook pourrait aussi bien être partagée avec le monde entier. Il s'étonne même que les utilisateurs aient attendu si longtemps avant de limiter le partage d'informations personnelles. Pour lui, la probabilité que les utilisateurs recommencent à partager sans compter est aussi élevée qu'un retour en grâce de Myspace : "On peut tordre un algorithme dans tous les sens, pour donner aux utilisateurs la meilleure image d'eux-mêmes, refléter au mieux leurs goûts, voire les rendre heureux... mais nulle part on ne trouve un bouton à actionner pour restaurer leur confiance". D’autant, que comme le rappelle InternetActu, c’est en poussant les utilisateurs à prendre soin de leur réputation comme s’ils étaient des marques que « Facebook a favorisé le partage de contenus de moins en moins personnels ». Pour Will Oremus et Slate, il faut donc se rendre à l'évidence, Facebook "n'est plus cool", mais peu importe...

Du réseau au portail personnalisé

La firme a déjà muté, elle s'est réinventée. Facebook est devenu un espace moins personnel, mais pas moins utile. L'entreprise a tellement investi sur les technologies émergentes (la réalité virtuelle ou l'intelligence artificielle) et les médias sociaux (Instagram, WhatsApp) voir maintenant les outils de travail collaboratif (Facebook at work) qu'on ne peut plus qualifier Facebook de simple réseau social. Pour Will Oremus, "Il est clair, lorsque vous observez la manière dont les individus l'utilisent, qu'il est devenu un portail d'accès personnalisé au monde connecté". Il ne faut plus voir Facebook comme un outil d'interactions sociales, mais plutôt comme une entreprise aspirant à dominer la consommation en ligne de médias (c'est déjà le cas avec Instant Articles), y compris au moyen de la réalité virtuelle, un outil parfait pour la diffusion de vidéos et pour le jeu vidéo… voire, selon le Washington Post, pour « dévorer internet ».

Facebook évolue, tout comme évolueront pour lui la captation et l'utilisation des données personnelles, plus proches certainement des scénarios que nous avions imaginés dans notre cahier IP 3 consacré aux industries culturelles.

 


Article rédigé par Régis Chatellier , Chargé des études prospectives