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Tariq Ramadan: "Il faut poser la question du racisme en France"

Le théologien musulman Tariq Ramadan était ce jeudi matin l'invité de Jean-Jacques Bourdin, sur BFMTV et RMC.

Invité sur BFMTV et RMC ce jeudi matin, le professeur et islamologue Tariq Ramadan est revenu sur la polémique entourant les propos tenus par le footballeur Karim Benzema, selon qui l'entraîneur de l'équipe de France, Didier Deschamps, "a cédé à la pression d'une partie raciste de la France" en ne le sélectionnant pas pour l'Euro 2016. 

Les propos "maladroits" de Karim Benzema

"Il y a un vrai problème de racisme dans le milieu du sport, en France", a estimé Tariq Ramadan, tout en jugeant que les reproches formulés par Karim Benzema "ne sont pas justes". "Je ne connais pas Didier Deschamps, mais je ne pense pas que l'on puisse parler de racisme sur cette affaire. Je pense que c’est maladroit de la part de Karim Benzema, il n’aurait pas dû réagir de cette façon. Il y a quand même un fait qui lui est reproché", a poursuivi Tariq Ramadan. 

"Mais il faut poser la question du racisme en France, vis-à-vis des Noirs, des Arabes, des Roms", a toutefois tempéré l'islamologue.

"Je suis politiquement plutôt à gauche"

Interrogé sur son voeu d'acquérir la nationalité française, Tariq Ramadan a rappelé que "toute sa culture est française" depuis 30 ans. "On dit que j'ai envie de jouer un rôle politique. Je vous le dis maintenant, je ne vais pas jouer de rôle politique dans le sens où on l'entend", a-t-il ajouté, assurant qu'il n'envisage pas de candidature à la présidentielle, voire même de carrière politique.

"La parole politique ça fait trente ans que je l'ai", a-t-il lancé, disant se situer politiquement "plutôt à gauche". Et de développer: "Mes accointances politiques, je ne l'ai jamais caché, sont plutôt dans la responsabilité citoyenne et le travail sur le plan de la justice sociale". 

"Valls est en dehors des limites de sa fonction"

Pour l'islamologue, le Premier ministre Manuel Valls, qui a estimé à la fin du mois de mai qu'il n'y a "aucune raison que Tariq Ramadan obtienne la nationalité française", "s'est occupé de ce dont il n'avait pas à s'occuper".

"Ce n'est pas la première fois. Il est en dehors des limites de sa fonction. Ce n'est pas à un Premier ministre de dire si oui ou non je mérite la nationalité française. Il y a un droit en France, et il doit être respecté, même par le Premier ministre. Mais il est dans l'émotif, dans la crispation. C'est totalement déplacé, son intervention", a commenté Tariq Ramadan. 

"La question de la colonisation n'a pas été réglée"

Reconnaissant que la religion musulmane "est soumise aux lois de la République", Tariq Ramadan a dit attendre des gouvernements "qu'ils appliquent la loi de la République, et non pas à géométrie variable". Pour l'islamologue, la France n'a toujours pas "réglé la question de la colonisation".

"Celui qui est le Français de confession musulmane ressemble encore à l'Arabe que l'on avait colonisé. C'est quelque chose qui fait partie de l'inconscient collectif", a-t-il estimé.

"En France, aujourd'hui, vous avez une jeune génération de femmes et d'hommes, qui parlent français comme vous, qui comprennent la France comme vous, qui aiment la France comme vous. Il faut les entendre. Vous le savez, le climat en France est délétère, il est très pesant. Le gouvernement actuel, qui est en totale perdition, qui est abyssalement médiocre, est en train de déplacer le débat sur la question de l'identité", a martelé Tariq Ramadan. Et d'ajouter: "Aujourd'hui, ce que je dis à ces jeunes, c'est: 'ne tombez pas dans ce pessimisme, ne tombez pas dans cette volonté de retrait, exprimez vous en tant que citoyens, occupez vous du budget, de l'environnement, soyez partout'". 

Enfin, invité à s'exprimer sur la question des prêches dans les mosquées françaises, Tariq Ramadan a déclaré que ceux-ci "doivent être faits en français". "Ils le sont de plus en plus", a-t-il assuré. "Les jeunes imams, que l'on ne voit pas suffisamment dans les médias, disent exactement ce que je dis depuis 30 ans: 'soyez des Français, engagez-vous, devenez des citoyens'", a-t-il ajouté. 

Adrienne Sigel