Google n’est pas d’accord avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés française (CNIL). Dans un billet publié jeudi 30 juillet sur le blog européen du moteur de recherche, ce dernier demande à la CNIL, l’autorité française en charge de la protection des données, de ne pas appliquer le controversé « droit à l’oubli » – que l’on devrait plutôt appeler droit au déréférencement – sur toutes ses versions et de le cantonner à ses seules versions européennes.
Le droit au déréférencement a été reconnu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) au printemps 2014. Selon la Cour de Luxembourg, un internaute peut demander à Google de ne plus afficher dans ses résultats de recherche des informations « inadéquates, pas ou plus pertinentes ou excessives » le concernant (informations dépassées, pages Web injurieuses, etc.).
Google, bien que contestant le bien-fondé de la décision, a rapidement mis en place un formulaire et des équipes pour traiter les demandes, qui n’ont pas tardé à affluer. Désormais, un internaute peut demander qu’une information le concernant n’apparaisse plus lorsqu’on saisit son nom dans un moteur de recherche. Ce mécanisme est cantonné aux déclinaisons européennes du moteur de recherche : des informations peuvent être expurgées lorsqu’on saisit par exemple le nom d’une personne sur Google.fr, mais apparaître lorsque cette recherche est faite sur Google.com.
« Des effets dissuasifs »
Cette distinction a été dénoncée à plusieurs reprises par la CNIL, à tel point que cette dernière a adressé, au moins de juin, une injonction au moteur de recherche américain. Selon la CNIL, la décision de la CJUE impose au moteur de recherche de retirer les informations incriminées de tous ses résultats de recherche, et pas seulement de ceux résultant d’une recherche sur une version européenne du moteur.
Pour Google, qui demande que la CNIL retire son injonction, il s’agit d’une logique qui « risque d’avoir de graves effets dissuasifs » sur le Web.
« Si le droit à l’oubli est désormais la norme en Europe, ce n’est pas le cas dans le monde entier. Il existe d’innombrables cas dans lesquels ce qui est illégal dans un pays ne l’est pas dans un autre. Cette approche représente un nivellement par le bas : au final, Internet serait seulement aussi libre que l’endroit le moins libre du monde. »
Le moteur de recherche estime qu’« aucun pays ne devrait avoir le pouvoir de contrôler les contenus auxquels quelqu’un, dans un autre pays, peut accéder », et souligne que dans le cas français, élargir le droit au déréférencement à une échelle mondiale serait « disproportionné », dans la mesure où « l’immense majorité des utilisateurs d’Internet utilisent une version européenne du moteur de recherche ».
En réponse, la CNIL a annoncé qu’elle allait « regarder les arguments et [répondre] à ce recours dans le délai légal de deux mois ». Elle se réserve également « la possibilité d’une phase répressive ». En cas de sanction, Google devra verser une amende pouvant aller jusqu’à 150 000 euros.
Google avait jusqu’au 30 juillet pour se conformer à l’injonction de la Commission ou la contester. A la CNIL on fait désormais savoir que la demande de Google va être étudiée, et une réponse sera donnée d’ici deux mois. A l’issue de ce délai, si les arguments de Google sont repoussés, la CNIL pourra entamer une phase répressive.
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