Trois mois après l’entrée en fonctions du premier ministre canadien, Justin Trudeau, qui a promis la légalisation du cannabis, « la confusion règne dans les rues », s’inquiète le président de l’Association canadienne des policiers, Tom Stamatakis. Le simple fait que le projet soit désormais à l’agenda politique créerait une situation intenable, selon lui. « De nombreux citoyens sont convaincus que la marijuana est désormais légale, qu’on peut la consommer, mais aussi en produire et en vendre », alors que le code criminel continue de s’appliquer.
L’association rapporte une frénésie sur le marché du cannabis et l’ouverture de comptoirs de vente illégaux à travers le pays. Les vendeurs officiels de cannabis à usage médical, autorisé en 2014, réclament la fermeture des « dispensaires » illégaux et une réglementation rapide de l’usage récréatif de cannabis, dont ils pourraient être producteurs.
Le député libéral Bill Blair, ex-chef de police de Toronto et « M. Cannabis » auprès de la ministre de la justice, Jody Wilson-Raybould, a répliqué : « Nous allons prendre le temps nécessaire pour bien faire les choses : légaliser le cannabis, mais aussi encadrer strictement sa consommation et la restreindre pour les jeunes. »
Légalisée, pas seulement dépénalisée
En attendant, « la législation actuelle doit être appliquée ». M. Blair s’apprête à créer un groupe de travail avec des représentants des trois ordres de gouvernement (fédéral, provincial, territorial) pour démêler la multitude de problèmes juridiques, économiques et sociaux que pose la légalisation, même si elle ne soulève guère d’opposition dans la société.
« M. Trudeau n’a pas intérêt à précipiter les choses », souligne Line Beauchesne, criminologue spécialiste des drogues à l’université d’Ottawa. Surtout avant l’Assemblée générale des Nations unies sur la drogue qui se penchera à New York, en avril, sur la consommation de cannabis, illégale en vertu des conventions internationales.
« Justin Trudeau n’a pas intérêt à précipiter les choses »
La route sera donc longue – au moins un an – avant de voir les Canadiens libres de fumer du « pot », manger des muffins au cannabis ou intégrer l’huile de cannabis dans leur vinaigrette. La trentaine de producteurs-vendeurs qui ont une licence pour vendre du cannabis médical depuis 2015 mettent en tout cas leur expertise en avant pour profiter du futur marché « public ». Son cadre réglementaire s’inspirera de celui retenu pour l’usage médical, et la consommation sera légalisée et pas seulement dépénalisée.
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