Dépêche

Au CHU de Limoges, une expérience pionnière sur la télésurveillance médicale des seniors

Limoges (AFP) - La surveillance médicale à distance pour soigner mieux et moins cher les personnes âgées, tel est le postulat du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges qui cherche à inventer la "médecine gériatrique de demain" à travers une expérimentation unique en Europe.

Avec 45% de plus de 65 ans contre seulement 29% à l'échelle de l'Hexagone, le Limousin "est à l'image de ce que sera l'Europe demain", explique le Pr Thierry Dantoine, chef du pôle gériatrique du CHU. Dans ce territoire marqué par la ruralité, la question des déserts médicaux et du maintien à domicile s'est posée bien plus tôt qu’ailleurs.

Publicité

L'intuition remonte à 2011. Une étude menée par le Pr Dantoine avait alors mis en évidence que près de 40% des admissions chez les plus de 70 ans auraient pu être évitées. Et que la moitié de ces patients étaient ré-hospitalisés sous douze mois.

"Nous savons que chez ces patients, l'hospitalisation est un facteur de risque. 40% ne rentreront pas chez eux mais iront en institutions, type Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgés dépendantes)", résume-t-il, soulignant aussi le coût d'une hospitalisation (au moins 8.000 euros par patient).

Comment éviter ces admissions d'urgence et mettre en place une gériatrie préventive qui permette leur maintien à domicile dans les bonnes conditions de soins? "Ic@re", projet de télémédecine et de surveillance à distance était né.

Des 'outils intelligents, connectés et nomades'

La première étape, nécessairement technologique, a impliqué le fabricant de matériel électrique Legrand, dont le siège est à Limoges. "Il a fallu rendre nos outils intelligents et connectés: balances, oxymètres, thermomètres, etc. Mais aussi nomades pour l'infirmière et le médecin" et leur apprendre à faire le distinguo entre deux patients, explique Thierry Dantoine.

Publicité

"Il a aussi fallu créer des prises sécurisées pour transmettre les données, inventer un logiciel, une plateforme et mettre en place un cloud pour collecter, crypter et anonymiser ces données", dans le respect de "l'éthique et de la confidentialité médicale", poursuit-il.

L'heure est désormais à une deuxième étape: l'étude de terrain. Le Pr Dantoine cherche encore à "recruter" plus de 300 patients (sur 536 au total) âgés d'au moins 65 ans et résidant dans le Limousin ou le Loir-et-Cher (partenaire de "Ic@re"). Ces candidats doivent être concernés par au moins deux pathologies chroniques liées à l'âge (insuffisance cardiaque et rénale, diabète et insuffisance rénale, insuffisance cardiaque et respiratoire, etc.) et avoir subi une hospitalisation dans l’année écoulée.

Transmission en temps réel

Après un bilan médical, les patients seront divisés en deux groupes par tirage au sort. Le premier ne changera rien à ses habitudes et continuera à être suivi à domicile par son infirmière et son médecin. Le second "sera équipé d'une panoplie d'outils d'examen développés par nos partenaires et chaque patient aura un suivi régulier des constantes qui permettent de déceler les indices d'un accident ou d'une décompensation", explique Thierry Dantoine. Tension, poids, température, etc., seront "transmis en temps réel aux trois protagonistes: le généraliste, l'infirmière et un gériatre référent au CHU", à raison d'environ vingt patients par gériatre.

Grâce à ces données, les personnels de santé pourront anticiper les risques et faire des prescriptions ou des préconisations.

Publicité

Au terme d'un an, la comparaison des deux groupes permettra de "mesurer l'impact de la télémédecine sur le maintien à domicile et l'économie qu'elle génère", résume le Pr Dantoine, qui espère démontrer que cette médecine préventive permet d'éviter près de 30% de ré-hospitalisations.

Unique en Europe, cette étude d'un coût de 1,2 million d'euros sera financée dans le cadre des investissements d'avenir par les ministères de l'Economie et de la Santé.

"Si nos hypothèses se vérifient et que ce matériel est développé dans l'avenir, on peut imaginer que les médecins ruraux seront encore plus efficaces et réactifs, malgré leur petit nombre, et même que de jeunes médecins, grâce à l'apport des technologies, pourraient être moins réticents à s'installer en rural", conclut le Pr Dantoine.

Sur le sujet Société

Annuler