Par Geneviève Garrigos
Le monde traverse sa plus grave crise de l’exil depuis 70 ans. L’Europe est tous les jours confrontée au pire : des corps d’enfants rejetés sur nos plages, des familles asphyxiées dans des véhicules … A chaque tragédie, l’émoi est vif, y compris de la part de personnalités politiques françaises dont les déclarations indignées se succèdent face au sort qui attend les migrants et les réfugiés à nos frontières. Mais depuis des années, ces mêmes responsables politiques, tant au niveau national qu’européen, actent des décisions qui sont à l’origine des drames dont ils s’émeuvent aujourd’hui.
Que de vains contrôles, que de politiques et de moyens déployés pour empêcher ou dissuader les arrivées de ces personnes ! C’est cette logique qui est à l’origine de la crise que traverse l’Europe. Une crise qui n’est pas imputable aux migrants et aux réfugiés, mais bien au système construit depuis bientôt vingt ans, fondé sur l’idée que les rejeter permettrait de régler « le problème des migrations ».
Pendant toutes ces années le discours politique a alimenté auprès de l’opinion publique une image négative des migrants et des réfugiés, les assimilant à des personnes indésirables, parfois menaçantes, allant même jusqu’à leur dénier toute humanité.
L’émotion de ces derniers jours a suscité des appels presque unanimes à la responsabilité de la part de personnalités politiques. Si aujourd’hui elles sont sincères dans leur émotion, leurs actes doivent être à la hauteur de leur indignation !
Les hommes et les femmes politiques doivent changer durablement leurs discours, au delà d’une émotion à court terme. Ils doivent cesser de déshumaniser les réfugiés et les migrants, et abandonner toute démagogie lorsqu’il s’agit d’analyser les situations à nos frontières, sur notre territoire et de rechercher des solutions.
Les hommes et les femmes politiques doivent décider l’ouverture de voies d’accès légales et sécurisées à l’Union Européenne. Aucune frontière, barrière, mur ou contrôle n’arrêtera des personnes en quête de sécurité et de protection. Le seul impact de ces mesures est de rendre l’exil plus dur, plus dangereux et plus mortel pour elles. Pour mettre fin au calvaire de celles et ceux qui fuient les conflits et la persécution, les responsables politiques doivent reconnaître la nécessité de voies légales et sécurisées d’accès à notre territoire pour les réfugiés. Elles sont indispensables pour sauver des vies, et pour lutter efficacement contre les réseaux de trafiquants.
L’Union européenne a la capacité de protéger les réfugiés. L’Europe est appelée à réagir collectivement, et chacun de ses Etats membre doit s’engager. Reconnaître le rôle déterminant de l’Union Européenne (UE) ne peut être le prétexte pour que les Etats membres restent inactifs sur leur propre territoire. La France doit mettre en place une politique d’accueil et de protection des réfugiés plus ambitieuse, pour donner à l’UE les moyens et l’énergie d’agir.
La situation extraordinaire impose l’engagement de tous les responsables politiques, au-delà des lignes partisanes. Il en va du respect de la vie humaine d’êtres de chair et de sang, à moins que nous n’ayons décidé d’abandonner notre propre humanité.
Geneviève Garrigos est présidente d’Amnesty International France
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