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Universalis en dépôt de bilan

Concurrencée par Wikipédia, l’encyclopédie souffre aussi de la baisse des crédits publics à l’e-éducation

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Publié le 21 novembre 2014 à 18h28, modifié le 19 août 2019 à 14h14

Temps de Lecture 3 min.

C’est une faillite très symbolique. Un exemple parfait des difficultés que rencontrent les vieilles entreprises pour s’adapter au nouveau monde numérique. La société Encyclopædia Universalis, qui édite depuis quarante-cinq ans la célèbre encyclopédie, vient de déposer son bilan. Le tribunal de commerce de Nanterre a placé la PME en redressement judiciaire le 30 octobre pour une première période de six mois.

« Il n’est pas question de liquider la société, assure Isabelle Didier, l’administratrice judiciaire. Universalis a une marque forte, une base documentaire de qualité, des clients. Cette procédure peut constituer un bon outil pour réussir la transformation nécessaire. »

Mais peut-être faudra-t-il de nouveaux actionnaires. L’entreprise française et sa maison mère Britannica appartiennent actuellement à Jacqui Safra, un homme d’affaires membre d’une grande famille de banquiers d’origine libanaise. C’est le neveu du milliardaire Edmond Safra, mort en 1999 à Monaco dans un incendie criminel. « Ces dernières années, M. Safra a investi 14 millions d’euros dans Universalis et ses activités européennes, surtout pour apurer les dettes, précise Mme Didier. Est-il prêt à accompagner un plan de développement ? Sinon, je suis certaine que nous trouverons d’autres partenaires. »

D’ici là, une restructuration semble inéluctable. Universalis emploie 45 personnes. « Avant de rebondir, il faut mettre en adéquation l’effectif avec le chiffre d’affaires possible », reconnaît Hervé Rouanet, le directeur général. Cette année, les ventes devraient se limiter à 6 millions d’euros, avec une perte d’environ 400 000 euros.

La concurrence du gratuit

Fondé en 1968 par le Club français du livre et l’Encyclopædia Britannica, la plus réputée des encyclopédies américaines, Universalis a longtemps connu le succès. La recette ? Des articles solides, écrits par des auteurs reconnus, souvent des universitaires. Des éditions peu fréquentes, sept en quarante ans, mais un volume annuel de mise à jour assurant un chiffre d’affaires régulier. Un système commercial à part, assis sur la vente au porte-à-porte et par correspondance.

Une belle mécanique mise à mal par l’essor d’Internet. En particulier de Wikipedia, une encyclopédie en ligne riche, de plus en plus fiable, actualisée en permanence, et surtout gratuite. Face à une telle concurrence, comment justifier les 3 000 euros demandés pour l’ensemble de la collection ? Au début des années 1990, les ventes se mettent à fondre.

En 2004, l’entreprise est secouée par un violent conflit entre ses deux actionnaires, et la justice doit nommer un administrateur provisoire. Britannica, la société de M. Safra, devient finalement seule maître à bord.

En 2012, Universalis se résout à supprimer son édition papier, qui ne s’écoulait plus qu’à quelques milliers d’exemplaires par an. « Sans doute aurait-il fallu anticiper davantage, cela aurait préservé la trésorerie », suggère Mme Didier.

L’entreprise revoit alors sa stratégie en profondeur. Pour le grand public, l’encyclopédie reste disponible sur un site Internet payant, consulté par 10 millions de visiteurs uniques par an, parfois plus, en fonction de la façon dont Google référence ses articles. Universalis exploite aussi son fichier historique de clients pour diffuser des livres d’autres éditeurs, comme le Grand Robert.

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Mais surtout, Universalis cherche à commercialiser son précieux fonds auprès des collèges et des lycées. Un marché en principe très prometteur. L’« école numérique » fait partie des priorités de François Hollande, et un des 34 plans industriels lancés par le ministre de l’économie, Arnaud Montebourg, avant son départ de Bercy lui est consacré. « De 20 millions d’euros en 2013, les crédits publics pour l’acquisition de ressources numériques par l’éducation nationale devaient monter à 40 millions en 2015, et 200 millions au bout de cinq ans », précise M. Rouanet. En octobre, la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, promet encore « un investissement sans précédent » en faveur du numérique éducatif.

Mais il y a loin des discours aux réalités. « En pratique, les crédits n’ont pas monté : ils ont au contraire baissé de 40 % cette année, pour tomber à 12 millions d’euros, peste le directeur général d’Universalis. Cela représente seulement 1 euro par élève et par an. » Une situation qui inquiète tous les professionnels. « Le secteur ne peut attendre plus longtemps, sous peine de mettre en péril emplois et perspectives de développement », alerte depuis des mois l’Association française des industriels du numérique dans l’éducation et la formation.

Dans un tel contexte, les sociétés les plus fragiles explosent en vol. « Nous, nous avons choisi d’aller au tribunal pour avoir le temps de nous réorganiser », commente M. Rouanet. Monétiser les contenus éditoriaux est difficile, reconnaît-il. « Mais notre marque garde de la valeur, surtout dans le monde éducatif. Nous allons sortir de cette crise par le haut. »

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