Il est délicieusement insupportable, et le vit fort bien. Lorsque le président du tribunal correctionnel de Bordeaux lui demande s’il a été déçu par Lindsay Owen-Jones, le distingué ex-patron de L’Oréal, François-Marie Banier, demande en toute simplicité : « Je peux faire un mot d’esprit ? » Le président lui répond qu’il peut dire ce qu’il a à dire. « Il a été sir, mais c’est un faux frère. » Sourire.
C’est que l’homme est vif, cabotin, culotté, fantasque, parle d’un ton un peu affecté (et pas seulement par l’accusation), est d’une fausse modestie à l’épreuve des balles mais est resté très simple avec ses gens − il est pourtant si difficile de trouver du personnel de maison convenable, de nos jours.
François-Marie Banier, photographe, écrivain et principal prévenu du procès Bettencourt, est accusé d’avoir touché un peu plus de 450 millions d’euros de sa bonne amie Liliane, l’héritière de L’Oréal. Il en a remboursé l’essentiel, à une grosse centaine de millions près. Mercredi 28 janvier, à Bordeaux, il a été cuisiné pendant près de six heures et s’en est sorti sans trop de dégâts apparents, sauf à avoir trop montré dans quelle estime il tient le tribunal
Analyse psychiatrique de comptoir
Quand le président lui met sous le nez un témoignage accablant, François-Marie Banier lui répond sans gêne : « Mais c’est passionnant ! » ; et s’en tire avec une analyse psychiatrique de comptoir, mais joliment tournée. Plus personne ne doute que la vieille milliardaire s’amusait davantage avec son coquin-copain qu’avec sa fille, Françoise Meyers Bettencourt, qui débarque sans un mot au palais dans deux limousines aux vitres teintées et d’un noir de corbillard.
François-Marie Banier, 67 ans, lui, serait parfaitement heureux sans cette méchante mésaventure judiciaire. Il a résumé, mercredi, sa vie avec un certain plaisir – parler de lui est un sujet qu’il ne déteste pas. Un père hongrois, sévère, « très conventionnel, très courageux, gaulliste », violent – « mais je lui ai pardonné », assure le photographe. Une mère du Midi, qui s’occupe d’œuvres sociales, et une éducation classique, dans les « trente glorieuses » − « le panache comptait énormément, dans une France d’oriflammes ».
Il suit ses études au lycée Janson-de-Sailly à Paris, où il s’émerveille de ces gens « de tous les milieux » qui bachotent dans le 16e arrondissement, et de « ces professeurs qui m’ont donné une culture malgré moi, de la vie des libellules aux lettres de Cicéron ». A 17 ans, il plante cependant là le lycée pour aller « dans le monde réel ». Il veut « créer à travers les mondes, les mots et les formes d’autres univers », explique-t-il sobrement, et publie son premier livre, chez Gallimard s’il vous plaît, qui lui ouvre les colonnes du Figaro et du Monde.
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