France : la reprise se cache dans les détails

par Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas

•  La stabilité de l’indice composite du climat des affaires de l’INSEE ainsi que le repli des PMI au mois d’avril sont décevants de prime abord.

  De nombreux détails, plus encourageants, confèrent cependant du crédit à la reprise.

Les derniers résultats des enquêtes sur le climat des affaires en France sont, à première vue, décevants. Au mois d’avril, les indices PMI publiés par Markit sont ressortis en baisse dans l’industrie (-0,4 point, à 48,4), comme dans les services (-1,6 point, à 50,8). L’indice composite est donc en net repli (-1,3 point, à 50,2). L’indice synthétique de l’INSEE est, lui, resté stable (à 96), décevant les attentes d’une nouvelle hausse. Ces évolutions détonnent dans un paysage européen plus que propice à une amélioration conjoncturelle (baisse des prix du pétrole, de l’euro et stimulus monétaire de la BCE). Pour autant, elles ne remettent pas en cause la reprise en cours : elles en rappellent, si besoin était, son caractère laborieux.

Un certain nombre d’éléments permettent, par ailleurs, de relativiser ces résultats. S’agissant des enquêtes Markit, la forte baisse de l’indice dans les services s’apparente, pour l’heure, à une correction, amorcée en mars, après son bond surprenant de 4 points en février. Dans l’industrie, le ratio nouvelles commandes/stocks reste orienté à la hausse, ce qui est de bon augure pour la production. De plus, la France n’est pas un cas isolé dans la zone euro, les enquêtes PMI s’y inscrivant aussi en recul, un fléchissement qui n’épargne pas non plus l’Allemagne (baisse de, respectivement, 0,5 point, à 53,5, et 1,2 point, à 54,2, des indices composites). Une baisse que l’on ne retrouve d’ailleurs pas dans l’enquête nationale allemande, l’IFO ayant, lui, à nouveau progressé. De plus, les PMI en zone euro restent confortablement en zone d’expansion, sur un niveau signalant un rythme de croissance au deuxième trimestre similaire à celui du premier trimestre (nous tablons sur +0,5% t/t).

Les enquêtes de l’INSEE contiennent, quant à elles, de nombreux détails encourageants. La stabilité de l’indicateur synthétique masque notamment une amélioration significative de l’enquête dans l’industrie (+2 points, à 101, qui repasse ainsi au-dessus de sa moyenne de longue période de 100 et retrouve son niveau de début 2014). Cette progression repose, de plus, sur le redressement de tous les soldes d’opinion, sauf un (le jugement sur les perspectives personnelles de production), ce qui permet de minimiser la détérioration de celui-ci, d’autant plus qu’il ne s’agit que d’un jugement un peu moins positif et qu’il demeure juste au-dessus de sa moyenne de long terme. Sa correction n’en est pas moins à surveiller : elle intervient certes après cinq mois de forte amélioration (de septembre 2014 à janvier 2015) mais il ne s’agirait pas qu’elle se poursuive, au risque de porter un coup à la reprise.

Le redressement de l’indice du climat des affaires dans l’industrie contrebalance le modeste repli (-1 point) des indices correspondants dans les autres secteurs. Pour l’enquête dans les services, l’INSEE emploie d’ailleurs plutôt le terme de quasi-stabilité. S’agissant du commerce de détail, l’indice ne reperd qu’un petit bout du terrain gagné en mars (+3 points) et l’INSEE met en avant le fait que l’indice, à 103, reste au-dessus de son niveau moyen de long terme (basé à 100), et ce depuis le début de l’année. Enfin, à propos de l’enquête dans le bâtiment, l’institut souligne le moindre pessimisme des acteurs du secteur concernant leur activité passée et prévue.

Les résultats positifs de l’enquête mensuelle de conjoncture dans l’industrie sont renforcés par ceux de l’enquête trimestrielle. Il en ressort, en effet, une forte amélioration des soldes d’opinion relatifs à l’évolution passée de la demande globale, à l’évolution future de la demande étrangère, à la compétitivité hors Union européenne et aux perspectives générales d’exportations. Le rythme des suppressions d’emploi, les difficultés de trésorerie et de recrutement se stabilisent tandis que la proportion d’industriels rencontrant des difficultés de demande comme d’offre diminue légèrement. Et le taux d’utilisation des capacités de production se redresse nettement (à 81,8%). Le tout est de bon augure pour la croissance en général et l’investissement des entreprises en particulier. Des chances de reprise également accrues par le plan de relance de l’investissement annoncé début avril, à point nommé, par le gouvernement.

Pour conclure, bien qu’encore timides, il n’y en a pas moins de réels signes de reprise en France. Au premier trimestre, on peut s’attendre à une croissance comprise entre 0,2% t/t (sur la base des enquêtes de confiance) et 0,5-0,6% t/t (si l’on s’en tient aux données d’activité), avec une moyenne à 0,4%, une prévision solide, que nous retenons, similaire à celle de l’INSEE et de la Banque de France. Et au deuxième trimestre, l’indice composite du climat des affaires de l’INSEE, qui se situe en avril légèrement au-dessus de son niveau moyen du premier trimestre, suggère même un chiffre de croissance un peu supérieur…

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