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« Nous nous réveillons dans un autre pays » : la presse anglaise entre désolation et triomphe

Revue de la presse britannique, quelques heures après l’annonce des résultats définitifs du référendum sur le « Brexit ».

Le Monde

Publié le 24 juin 2016 à 11h57, modifié le 24 juin 2016 à 17h43

Temps de Lecture 5 min.

Les Britanniques ont voté en faveur du « Brexit », jeudi 23 juin, le « Leave » l’emportant avec 51,9 % des voix. La presse anglaise nationale, considérée comme « sérieuse » et plutôt en faveur du « Remain », déplore ce résultat, tandis que les tabloïds, majoritairement en faveur du « Leave », ne cachent pas leur joie.

La presse nationale consternée

  • Le « Guardian » : « Nous nous réveillons dans un autre pays »

Le quotidien national ne cache pas sa tristesse dans sa section éditoriale, au matin du 24 juin. « Pour les 48 % qui ont voté dans l’autre sens, et pour une grande partie du monde qui nous regarde, l’Angleterre a changé, mais cela nous serre le cœur au lieu de nous réjouir. »

Et le Guardian d’analyser les conséquences économiques, politiques et identitaires du « Brexit ». Les plus inquiétantes sont à court terme, la « réaction des marchés » déjà visible cette nuit sur les places boursières asiatiques et qui se confirme ce matin sur les places européennes. « Les gouvernements et les marchés, partout dans le monde, ont réagi au vote Leave avec horreur », rappelle le Guardian, qui défend l’idée que la « géographie psychologique » de l’Europe a changé. Symboliquement, l’Angleterre redevient une île :

« Cela aura beaucoup moins de sens pour une grande firme internationale d’avoir son siège social à Londres, ou pour une firme automobile japonaise d’installer son usine – qui souhaiterait distribuer en Europe – dans le nord-est de l’Angleterre. Pourquoi le faire, alors que vous pourriez être en Allemagne à la place ? Pourquoi venir dans le Royaume-Uni post-Brexit, où il pourrait bientôt y avoir la contrainte des visas, des tarifs douaniers, et tout le reste ? »

Le Guardian s’en prend également au grand vainqueur de ce référendum, le UKIP, parti d’extrême droite emmené par le conservateur Nigel Farage, le seul à avoir unanimement appelé à voter « Leave ». Le discours de victoire de M. Farage a été qualifié par l’éditorialiste Zoe Williams de « triomphe de la laideur et du mauvais goût ». « Si c’est lui qui incarne la nouvelle politique, cela promet d’être horriblement déplaisant », explique-t-elle

  • Le « Times » : « Se remettre de cette victoire prendra des années pour ceux qui fantasmaient le “Leave” »

Pour l’éditorialiste Philip Collins, le parti du « Leave » ne sait pas encore qu’il vient de s’offrir un cadeau empoisonné. Il attaque Boris Johnson, l’ancien maire de Londres (conservateur) et fervent défenseur du « Brexit ». « M. Johnson s’est donné bêtement une tâche qu’il n’a pas envie d’accomplir », dénonce-t-il. M. Johnson fait partie des pressentis pour succéder à David Cameron, qui a annoncé sa démission ce matin et devrait quitter Downing Street avant le mois d’octobre.

S’adressant aux politiciens qui ont soutenu le « Leave », il ajoute : « Ce n’est pas votre victoire, c’est celle de M. Farage. J’espère que vous êtes fiers de vous, et j’espère, sans trop y croire, que vous êtes préparés à ce qui vient. »

  • Le « Financial Times » : « Le Royaume-Uni a fait un bond dans l’obscurité »

Pour le principal quotidien économique britannique, le vote « Leave » est un « bond dans l’obscurité ». « Et maintenant ? », lit-on aussi sur la page d’accueil du FT. « Pendant toute cette campagne, le Financial Times a affirmé que sortir de l’Union européenne (UE) serait un acte d’autodestruction. » Mais ce qui frappe surtout l’éditorialiste du quotidien économique et financier, c’est le choix de l’inconnu :

« Un pays, réputé pour son conservatisme et sa stabilité politique, a fait un bond dans l’obscurité. (…) Ce vote mènera à une incertitude économique, financière et politique sans précédent. »

Et le quotidien d’appeler le gouvernement à accomplir la tâche urgente de « stabiliser l’économie. Notre meilleur espoir, que ce journal partage avec ferveur, est que l’Angleterre reste investie, ouverte et proeuropéenne dans son état d’esprit. C’est là qu’est notre futur. »

  • « The Economist » : « L’impensable est devenu l’irréversible »

L’hebdomadaire The Economist se réveille aussi « sonné » que ses confrères, qui titre sur « une séparation tragique » sur fond de drapeau britannique déchiré (The Economist sort le vendredi en kiosques). « L’impensable est devenu l’irréversible avec une rapidité déconcertante, s’étonne l’hebdomadaire. Qui aurait cru, il y a un an, que les Anglais, toujours en train de râler contre l’Union européenne, allaient réellement choisir de quitter un club de pays qui achète près de la moitié des exportations britanniques ? »

Et de s’inquiéter des mêmes conséquences que ses confrères, avec un éclairage particulier sur les risques d’un « Frexit », un référendum du même ordre en France. « Une étude du Pew Research Center a montré qu’en France, pays membre fondateur et défenseur de l’Europe, seulement 38 % de la population a toujours une bonne opinion de l’Europe, soit six points de moins que l’Angleterre. »

  • Le « Belfast Telegraph » : « David Cameron restera dans l’histoire comme le premier ministre qui a tué son pays »

Le principal quotidien d’Irlande du Nord dénonce la décision de David Cameron d’avoir organisé le référendum sur le « Brexit ». Une décision jugée irresponsable en raison de « l’effet domino » qui pourrait désormais se produire ailleurs en Europe, alors que certains partis conservateurs appellent à organiser des consultations sur la sortie de l’Union européenne dans leur pays. L’Irlande du Nord, qui retrouve désormais une frontière avec l’Irlande (qui, elle, reste membre de l’UE), s’inquiète aussi des retombées locales.

Les tabloïds célèbrent leur victoire

  • Le « Daily Mail » : « On est sortis ! »

C’est un point d’exclamation qui en dit long : un véritable cri de joie s’étale à la « une » du Daily Mail vendredi 24 mai. « On est sortis ! » titre le journal conservateur, proche d’un tabloïd, mais qui refuse d’être défini comme tel. « Après quarante-trois ans, le Royaume-Uni se libère des chaînes de l’Europe », peut-on lire en sous-titre de cette « une » qui présente un Nigel Farage fou de joie à l’annonce des résultats.

Le quotidien n’hésite pas à reprendre à son compte l’expression du leader du UKIP : « Independance Day », en gros titre sur Twitter et sur son site Internet.

  • Le « Sun » : « Le peuple s’est levé en masse contre l’élite londonienne. »

Le tabloïd The Sun a, lui aussi, célébré la levée en masse « populaire » contre « l’élite de Londres ». « Pour la première fois en quarante-trois ans, notre nation se tiendra debout sur ses propres pieds, libérée de l’Union européenne, se réjouit-on dans la section « Opinion » du quotidien. Ce que David Cameron a vécu hier, c’est l’explosion de colère de millions de gens de la classe ouvrière, qui ne peuvent plus être ignorés. »

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