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Frédéric-Jean Salvi : «Je n’ai pas été mentor de qui que ce soit dans le but de commettre un attentat»

Surnommé le «prêcheur de Pontarlier», ce Français vivant en Angleterre, chrétien d'origine converti à l'islam, réfute tout lien entre lui et Yassin Salhi.
par LIBERATION
publié le 7 juillet 2015 à 17h11

Il a pour surnom «le Grand Ali». Frédéric-Jean Salvi est originaire de Franche-Comté. Ancien étudiant en filière Staps, il s'est converti à l'islam en prison, où il séjournait pour un trafic de stupéfiants. Il y a aussi radicalisé plusieurs autres détenus, dont le principal suspect dans l'attentat du 26 juin en Isère, Yassin Salhi. Agé de 36 ans, il est aujourd'hui installé en Angleterre, à Leicester, avec sa femme et ses cinq enfants, et donne des cours de sport de comb et sesat. Il a accepté une interview avec l'Est républicain. On l'a lue pour vous.

A lire aussi notre portrait de Frédéric-Jean Salvi, l'endoctrineur salafiste de Pontarlier

• Sur l'attentat en Isère et ses liens avec Yassin Salhi

Frédéric-Jean Salvi réfute être lié au crime attribué à Yassin Salhi : «Les autorités ne me reprochent rien, et ne m'ont accusé de rien, c'est uniquement les médias. C'est une distinction importante à faire [...] D'autant que mon profil correspondait a un bon scoop : je suis musulman, j'ai vécu dans la même ville que Yassine Salhi il y a plus de 10 ans, et surtout, mon nom a déjà été cité dans une affaire similaire là aussi au niveau médiatique.»

Il reconnaît connaître Yassin Salhi : «Je [l'ai] connu à la mosquée de Pontarlier, comme les gens de la mosquée se connaissent entre eux. J'ai fréquenté aussi sa famille. Il était une personne agréable et sympathique. Lorsque j'ai appris l'information à son sujet la semaine passée, cela m'a fait beaucoup de peine. Si j'avais eu la possibilité de l'en empêcher je l'aurais fait.

Quant aux allégations concernant le fait que je l’aurais radicalisé, je n’ai jamais eu un quelconque ascendant sur lui, et encore moins été son mentor comme il a été dit. Nous avons plutôt eu un cheminement spirituel en parallèle, à une époque donnée, tout au plus. Si la radicalisation signifie cet acte du 26 juin, eh bien c’est quelque chose que je refuse, aujourd’hui comme hier.

Je condamne cet acte [du 26 juin]. Et si j'avais eu l'occasion de l'empêcher je l'aurais fait. Quant au groupe nommé état islamique et je parle du groupe en général, pas de Yassin, car je n'ai aucune connaissance d'un éventuel lien entre lui et ce groupe, il ne représente absolument pas l'Islam ni la majorité des musulmans. Il représente sa propre vision et sa politique.»

• Sur sa conversion à l'islam 

«Je remercie Dieu de m’avoir guidé à l’Islam. Après avoir été chrétien convaincu et pratiquant jusqu’à environ 17-18 ans, je me suis détourné du christianisme en raison d’incohérences et de l’absence de réponse à mes questions. [...] Mon cheminement vers l’islam a été un cheminement personnel, basé essentiellement sur la lecture et la réflexion.

La prison n’a pas été la raison de ma conversion, sauf qu’elle m’a donné le temps d’approfondir ma recherche par la lecture. En prison j’ai rencontré très peu de musulmans pratiquants et aucun d’entre eux n’avait de connaissance approfondie sur l’islam ou une idéologie quelconque.»

• Sur sa réputation de prêcheur salafiste radical

«Je n’ai jamais été un prêcheur ou imam à Pontarlier. [...] Oui, j’ai pu transmettre parfois dans mon entourage certaines choses apprises, ou m’assoir avec des jeunes de mon âge à la mosquée autour d’un livre pour étudier ensemble. Mais ceci n’est pas être imam, ni prêcheur, et encore moins radical.

[...] Qu'entend-on par radicalisation ? Si on considère que tout musulman qui cherche à pratiquer sa religion telle qu'elle est, un musulman qui porte la barbe par exemple, ou qui s'abstient de serrer la main à une femme étrangère, qui ne mange que hallal, si ça c'est être radical, alors beaucoup de musulmans le sont, et j'en fais partie. [...]

Je suis un simple musulman, sunnite. Le terme "salafiste" étymologiquement, renvoie à l’idée de suivre les prédécesseurs, donc les compagnons de Mohammed (paix sur lui). Or ceci, tout musulman sincère s’y attache normalement, même si cet attachement peut être ensuite sincère ou faux. [...] Pour ma part je n’appartiens à aucun groupe, je ne me revendique pas non plus salafiste, j’essaie simplement d’être le plus proche du Coran, de la tradition prophétique, et de l’exemple des premières générations de l’Islam qui l’ont transmis tel qu’il est, sans l’altérer.»

• A partir de 2004, Frédéric-Jean Salvi a voyagé hors de France. Il s'en explique 

«J’ai voyagé dans différents pays musulmans, à partir de 2004-2005. En Égypte où j’ai commencé mon apprentissage de l’arabe, langue du Coran et des sciences religieuses. Ensuite en Indonésie et en Malaisie, puis au Maroc et en Mauritanie, par la suite en Tunisie. J’ai voyagé avec ma famille, dans un but d’apprentissage d’abord, puis pour y chercher un lieu de vie plus en conformité avec nos attentes et choix de vie.»

 • Soupçonné par les autorités indonésiennes d'être lié à à un projet d'attentat à Djakarta en 2010, il répond

«En avril 2010, je suis rentré d’Indonésie pour partir au Maroc visiter ma belle-famille, puis en Mauritanie. En août, j’apprends que mon nom est cité dans une affaire de tentative d’attentat en Indonésie : ils disent avoir retrouvé des explosifs dans une voiture m’ayant appartenu. La voiture que les médias photographient alors était effectivement la mienne quand j’étais là-bas [...] Je l’avais vendue avant de partir. Une vente normale, rien à voir avec un projet d’attentat. J’ai quitté le pays tout à fait légalement. [...] J’ai pris contact avec les autorités françaises qui m’ont confirmé que je n’étais nullement recherché par elles-mêmes, ni par Interpol. Je n’ai jamais été inquiété au sujet de cette affaire par les autorités, ni en France, ni en Angleterre, seulement par les médias.»

• Sur le terrorisme

«Je n’ai pris part à aucun attentat et je n’ai été mentor de qui que ce soit dans le but de commettre un attentat.»

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