Attentat raté à Villejuif : l’énigme des commanditaires de Ghlam au coeur de l’enquête

par AFP
publié le 17 avril 2016 à 10h47
(mis à jour le 30 avril 2016 à 10h09)

Un carnage évité dans une église, un apprenti jihadiste piloté depuis la Syrie, l’ombre du vétéran du jihad Fabien Clain: un an après la mort d’Aurélie Châtelain à Villejuif, l’enquête tente de percer les connexions de son meurtrier présumé Sid Ahmed Ghlam avec la nébuleuse jihadiste.

Ce 19 avril 2015, l’étudiant appelle le Samu après s’être tiré une balle dans la jambe. A leur arrivée, les policiers trouvent le jeune homme dans une rue du XIIIe arrondissement de Paris. Dans sa voiture et sa chambre, ils découvrent quatre kalachnikovs, deux armes de poing, des gilets pare-balles.

L’analyse de son matériel informatique montre que le Franco-algérien, signalé pour ses velléités de départ en Syrie, projetait d’attaquer ce dimanche une église à Villejuif (Val-de-Marne), trois mois après les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l’Hyper Cacher.

Le plan a capoté mais il a fait une victime collatérale: Aurélie Châtelain, 32 ans, est retrouvée morte sur le siège passager de sa voiture, tuée par balle, près d'un hôtel. Pourquoi elle et comment? Pour l'avocat de la famille, Me Antoine Casubolo Ferro, «il y a une certitude: sa mort a empêché un massacre». Un hommage lui a été rendu samedi dans sa ville de Caudry (Nord).

Très vite, les enquêteurs exhument du matériel informatique de Ghlam des messages cryptés révélant des instructions pour «trouver une bonne église avec du monde» et l'ombre de possibles complices liés à la nébuleuse d'islamo-délinquants, selon une source proche du dossier.

Sid Ahmed Ghlam, 24 ans, affirme avoir été missionné depuis les zones turco-syriennes pour commettre un attentat après deux voyages en Turquie, fin 2014 et début 2015, mais il nie le meurtre et a multiplié les versions.

Dans l'une d'elles, il se présente comme un jeune naïf, «une chair à canon» sous l'emprise d'un membre du groupe Etat islamique, Abou Moutana, non identifié. Et charge un mystérieux complice, Abou Hamza, d'avoir volé la voiture d'Aurélie Châtelain et de l'avoir tuée accidentellement alors qu'ils devaient se rendre dans une église, mais seulement pour «tirer en l'air», selon une source proche du dossier.

Puis il a affirmé que ce complice était Samy Amimour, l’un des kamikazes du Bataclan qu’il aurait reconnu à la télévision après le 13 novembre. Mais la thèse d’un deuxième homme, évoquée par un témoin, est jugée «inenvisageable» par une source proche de l’enquête.

Au contraire, des indices impliquent Ghlam dans le meurtre: l’ADN de la victime sur la parka qu’il portait et l’expertise balistique ont montré que la balle mortelle a été probablement tirée depuis son pistolet. Lors d’une reconstitution le 19 mars, il a maintenu sa version. L’un de ses avocats contacté par l’AFP n’a pas souhaité s’exprimer.

Ce vendredi, le Figaro révèle que Ghlam téléphonait en prisonSelon le quotidien, il aurait ainsi échangé, entre juillet et novembre 2015, des milliers de conversations grâce à un téléphone portable qu'il se serait procuré alors qu'il était placé à l'isolement à la prison de Fresnes. Les appels se seraient interrompus le jour des attentats du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis. Impossible néanmoins de connaître pour le moment le nom des destinataires des échanges.

Ramifications

Un an après, les enquêteurs cherchent toujours à identifier son ou ses commanditaires. Ils s’interrogent notamment sur le rôle joué par Fabien Clain, le vétéran du jihadisme français qui a enregistré la revendication audio des attentats de novembre.

Dans l'un des messages exploités par la DGSI, Ghlam avait reçu l'instruction de se rendre dans un garage de Seine-Saint-Denis pour récupérer une BMW de la part de «Vega et Thomas». Les enquêteurs pensent qu'il s'agit de Macreme A. et Thomas M., connus des services antiterroristes: ils font l'objet de la même enquête sur une filière jihadiste que Fabien Clain, probablement parti comme eux en Syrie en février ou mars 2015.

A ce stade, les investigations ont permis de mettre en examen quatre complices, soupçonnés d’avoir participé à la fourniture d’armes et de gilets pare-balles.

Parmi eux, Rabah B., a été interpellé en 2005 lors du démantèlement d'un réseau de braqueurs islamistes et apparaît dans le cercle d'un jihadiste des attentats de janvier à Paris, Chérif Kouachi. Comme Abdelkader J. et Farid. B, eux aussi mis en examen, il fréquentait une «crêperie conspirative», dont le gérant a été condamné en 2008 dans un dossier terroriste.

Une église a été épargnée mais des attentats ont eu lieu en 2015 dans la capitale. Pour l’avocat de la famille Châtelain, «les enquêtes doivent être croisées, des liens existent entre les protagonistes et les dossiers».

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